Mary Frittolini

L’homme heureux n’a pas de chemise, cet apophtegme bucolique (expression qui devrait plaire à Koikilfred ! ) est pure sottise et il est même tentant de soutenir, surtout ici, le contraire !
Ma grand-mère jugeait un homme à sa chemise. Un peu abrupte et expéditive mais la méthode valait par son regard perspicace plus sûrement qu’un marc ésotérique. Cet ukase grand-maternel m’a toujours inspiré un respect amusé et je parie pouvoir trouver un pilier de bar ou un psychiatre repenti pour y distinguer l’origine d’un goût déraisonnable pour la chemise.

La quête de la chemise parfaite m’occupa longtemps : j’en ai goûté de nombreuses. A force d’essais de coupes différentes, de tests de cols et de poignets, j’ai épuisé les marques et accepté la frivolité de l’ambition initiale. Mais, l’inconsistance résidait, non dans la quête, qui encouragea mon désir de comprendre et d’apprendre, de décortiquer et d’aller plus loin encore, mais dans la perfection vaine.
« Le corps respire, l’esprit aspire », je réformais alors mon désir ; je ne désirais plus la chemise parfaite mais la chemise idéale. Une vraie révolution que cette métamorphose d’optique !

Que de circonlocutions pour justifier, maladroitement, les tissus sélectionnés avec gourmandise, montés un à un en suivant des patrons évolutifs, et pour évoquer la chemise sur-mesure : c’est elle qui devient idéale. Idéale car on la rêve, on l’attend, on s’en inquiète, on en parle tourmenté sur le divan à un type obsédé par ses souliers !
Le sur-mesure, c’est amah la chemise faite par un homme pour un homme qui a un torse, un dos, un ventre, un cou et souvent deux bras, bref une morphologie singulière voire inimitablement tordue !

Cette fois, l’homme de l’art est une femme, une transalpine, une piémontaise de Turin qui a un parcours atypique.
Après des études supérieures consistantes (lettres classiques : latin, grec pour avoir notamment dit-elle, le plaisir de lire les textes dans la langue originelle ; comme je la comprends !), elle entre dans la vie professionnelle. En parallèle, elle poursuit, par penchant personnel et attrait pour le génie de la main, ses travaux de couture. Est-ce la fréquentation des Anciens qui prônaient Age Quod Agis (fais ce que tu fais !), mais pour aller au bout de sa passion, elle suit des cours pendant deux ans et perfectionne sa technique.
J’ai compris qu’elle faisait des chemises depuis une bonne dizaine d’années, tout en conservant son job. Depuis trois ans, elle se consacre uniquement à la chemise sur-mesure. Grâce à Internet, elle a découvert le blog de Pierre Duboin (http://lavraiechemisesurmesure.blogspot.com) qui a consacré sa vie professionnelle à la chemise sur-mesure et que vous connaissez sans doute autant par ses grands coups de gueule que son amour du métier ; 35 ans d’expérience, excusez du peu ! Il l’encourage d’un œil confraternel et amical.

Avant quelques photos du col, pied de col de la prochaine chemise, le teasing ayant assez duré : elle s’appelle Maria Teresa Frittolini , mais ses amis l’appellent simplement Mary.
Elle tient un blog ici : HYPERLINK "http://lacamiciaconlanima.blogspot.com/" http://lacamiciaconlanima.blogspot.com/
et on peut lui écrire à cette adresse : maryfrittolini@libero.it

Ah oui, j’allais oublier, ses boutonnières faites main sont une vraie folie !!







poignets mousquetaires en devenir

Se trouve-t-elle à Turin où tu serais allé la voir ? Possède-t-elle un atelier où il est possible de la rencontrer ?

Ed2007,
elle vit et travaille à Turin mais je l'ai vue à Paris pour deux essayages et ajustement

Je ne sais quand elle va revenir prochainement ...elle parle un peu le français et se perfectionne mais peu l'anglais...le mieux c'est de lui écrire en français sauf si tu parles italien bien sur

Bonne approche mais se rappeler que le mieux est l'ennemi du bien !

Chato

Un apophtegme, du grec αποφθεγμα (apophtegma), est un précepte, une sentence, une parole mémorable ayant valeur de maxime.

voila... n'ayant pas trouvé dans ce fil ses "ses boutonnières faites main sont une vraie folie !!" je vais devoir aller scruter ailleurs...

"l'être humain serait drôlement ennuyé (doux euphémisme) si il finissait par atteindre la perfection ou l'idéal.... heureusement que cela n'existe pas et nous laisse donc le libre loisir des quetes sans fin...." commente-t-il d'un ton badin

"avoir quelque chose à désirer, pour ne pas être malheureux dans le bonheur" maxime cc - de balthasar gracian (1601-1658)

c'est exactement cela!

col au montage




hirondelle (fait le printemps !)


mousquetaire pas encore percé de part en part ...


ca se présente pas mal tout cela (boutonnière faite main, j'adore)

C'est superbe....

tout comme il l'a dit bouffi, enfin, Space....

question: le col est un peu haut et droit, ou c'est la photo qui donne cet effet?

Ah... obscure chemise du desir...

le pied de col fait 3,5cm

un petit cadeau gracieux pour accompagner la chemise ; c'est joli et utile : deux boutons en nacre et deux baleines !

bouton cousu dans les règles de l'art !

C'est superbe Amator. Quel dandy tu fais tout de même

amator a écrit:bouton cousu dans les règles de l'art !

Pour information, combien de tours de fil y-a t'il ?

J'ai recousu des boutons cet après-midi et j'ai essayé 5, 10 et 20 tours...

J'ai aussi appris qu'on "doit" doubler le fil pour coudre ses boutons.


Chato

Et la question qui tue..........combien ?

Réponse ici ? ou en MP ?

Adrian

Vraiment superbe, du beau boulot...

Merci pour le reportage, et très très beau motif.

MERCI

(interesse aussi par budget en mp...)

koikilfred a écrit:MERCI

(interesse aussi par budget en mp...)

Ouaip, c'est de la belle ouvrage. Et j'abonde dans le sens d'Adrian et Koikilfred.

Désolé pour la réponse tardive qui n'a rien de secrète Le prix dépend du choix du tissu et du choix des finitions.

A partir de 280€, vous avez une chemise sur mesure faite selon la tradition :
- essayage sur toile
- boutonnières faites main avec des boutons en nacre 1er choix
- lavage de la chemise finie et repassage main
Bien entendu, le tissu sélectionné est lavé avant la coupe et la confection pour éviter les mauvaises surprises de rétrécissement!

Un petit reportage sur le montage d'une chemise de A à Z

http://lacamiciaconlanima.blogspot.com/2011/06/una-vera-camicia-su-misura-dalla-alla-z.html#comments

C'est reparti mais avec un "grand" vichy, donc des carreaux (un magnifique zéphir de DJA ou David & John Anderson du groupe Albini)

le coupon de tissu est bien entendu lavé comme il se doit avant de le travailler, méthode efficace pour se débarrasser de l'apprêt ou le cati d'où décatir (décatissage)

quelques petites photos réalisées par Mary Frittolini





les boutonnières faites à la main sont absolument somptueuses

l'étiquette de MF que je ne souhaitais pas dans le col est representée par le petit morceau de papier à la base d'un pan

......

melange de jalousie rentrée et applaudissement du jusqu'auboutisme de ta demarche (et le partage) ou

toujours un aussi beau travail

trouves tu que son travail s'améliore depuis la première, la coupe s'affine ? car après tout ce n'est pas son métier.

je t'envie dommage qu'elle ne passe pas sur Lyon. je pense que je succomberai à la tentation.

bravo pour ta passion

nice

Je pense que grâce à Amator, je vais conquérir de nouveaux superlatifs, mon stock étant
sérieusement en train de s'épuiser, merci
--
HCP

manche rabattue à la main


chemise terminée

j'aime bien l'image du col qui répond aux poignet....

ma question superficielle: tu prevois-t-il une cravate avec cette chemise?
si oui, autre chose qu'une cravate unie?
si unie (ou pas) une tricotée?

avec cravate, ça donne une image comme celle ci


cravate non tricotée mais ça pourrait très bien le faire (ici pas tout à fait une grenadine, moins fragile)


pour une aventure plus osée avec des motifs , je n'ai point encore explorer les possibles ...

ça commence par un tissu bien lavé (décatissage) et séché au grand air !


L’efficacité du blanchiment au pré, à savoir étendre sur l’herbe les draps de manière à les baigner de rosée, était reconnue aux siècles derniers. Les chimistes nous ont appris depuis que c’est le dégagement de l’oxygène lié à la photosynthèse des végétaux qui favorisait ce blanchiment.

Je me trompe ou il y a un Amator qui enchaine les bespoke aussi sereinement qu'un Eclectique les prises de souliers sur la baie???



(treve de plaisanterie: la suite, les explications....)

Recette pour une chemise de rentrée :

1 - Faire appel à Mary Frittolini sous l’œil bienveillant de son mentor Pierre Duboin pour discuter de mes envies et affiner un patron…

Qu’ils soient ici publiquement remerciés pour leur gentillesse et leur générosité par un client particulièrement perfectionniste, pointilleux voire maniaque et sans doute chiant mais qui respecte profondément leur travail, leur opiniâtreté et leur patience.

Car oui, je crois qu’on peut toujours améliorer, parfaire, perfectionner… Evidemment, la voie est étroite, harassante ; c’est celle qui plane vers le grand art, les secrets du traitement par « quart de corps », les arcanes et les subtilités des échancrures à la recherche permanente des aplombs vers un meilleur équilibre général. L’œil profane risque de n’y rien voir ! Quelques millimètres du nez de Cléopâtre font LA différence. Il faut alors accepter les altérations, les outrages des ciseaux, travailler les détails encore et toujours.
L’envolée d’une main sûre et inspirée trace souverainement une tête de manche parfaite : grand moment de sidération et d’émotion. 35 ans d’expérience concentrée en quelques secondes fugitives. Ce n’est pas un miracle – bien que ?- mais l’expérience qui signe ainsi à la mine de plomb !

Seuls de doux louftingues comme vous, compagnons d’EGP, pouvaient comprendre cela ; cette quête graalesque !


2 – Sélectionner un tissu dans une belle liasse de David & John Anderson, DJA pour les intimes (groupe Albini) et tomber raide face à un sea island aux fibres exceptionnellement longues qui produisent un coton léger, frais et d’une douceur incroyable.
Pour une rentrée, c’est le moment de renouer avec le blanc. Un blanc immaculé pour faire le deuil des vacances, comme en Asie ou en Afrique. Un blanc oscillant entre matité et brillance discrète. Un blanc pur et éclatant comme un rite initiatique de renaissance. Un blanc qui n'est révélé que par la lumière

3 – Se soumettre comme une ascèse à l’attente et la patience

4 – Encore une petite dose de sang-froid avant qu’UPS ne sonne chez vous

5 – Se taire et faire quelques photos à partager

Quel poète cet Amator
Félicitations en tout cas car les résultats sont toujours probants.

poignet napolitain au montage


poignet terminé
cette originalité est une première pour moi, une alternative intéressante au poignet mousquetaire...


Ces petits plis de la manche ne sont ils pas bien jolis ? la discrète hirondelle


le montage de la manche, avec un décalage bien marqué ; je vous invite à "craquer un cil" sur la qualité des coutures rabatues à la main pour la liaison manche et corps de la chemise (la large couture très plate) et la finesse de l'autre couture, pas plus de 2mm incroyable


une boutonnière faite main, en gros plan


sans légende, uniquement pour le plaisir

Ca a l'air très beau

Tu m'obligerais par un retour sur l'usage au quotidien des poignets napolitains par rapport à des poignets mousquetaires (ces derniers se montrant moins pratiques et plus sujets à l'usure dans un environnement quotidien bureautique).

Le lyrisme de la description est à la hauteur de la beauté de la chemise.
Cela étant comment, à distance, peux tu t'assurer que le patronage soit parfaitement conforme à tes mesures ? Tu lui as envoyé une autre chemise sur mesure faite par un de nos chemisiers parisiens ?

EDIT : en relisant le fil depuis le début, j'ai compris qu'elle passait parfois à Paris.
Préviens nous de son prochain passage pour que les intéressés puissent en profiter

Tout ça m'a l'air fort beau !

Comme le propose Sybarite je veux bien que tu avertisses quand la Demoiselle passe dans les parages...

De la très belle ouvrage, indubitablement. Je pense être un pêrfectionniste dans un certain nombre de domaines, mais cela va bien au-delà.

Cela dit, ma toute petite expérience des poignets napolitains m'aurait conduit à décaler un peu les deux boutons de poignet vers le haut de la manche. En effet, ces poignets ont sur les poignets mousquetaires l'avantage d'offrir un rabat sans avoir la sensation d'un poignet serré ou engoncé, notamment lorsque l'on ouvre le dernier bouton. On obtient alors un évasement de l'extrémité de la manche qui, ajouté à l'absence du débord qui caractérise le PM, rend le poignet napolitain beaucoup plus agréable dans le "quotidien bureautique", pour reprendre l'expression pertinente du Monarque. Dès lors, plus les boutons de poignets sont décalés vers le haut et plus cette sensation d'aisance est marquée.

J'espère que le mentor de MF ne lit pas ce forum, sinon je vais me faire atomiser...

(edit : orth)

la remarque sur l'usage "bureautien" me parait tres pertinente, et je n'avais point noté cet interet potentiel du napolitain sur la question.

Il est vrai que chaque fois que je mousquetairise au bureau, au bout d'un moment...
bref, une tenue pour les rd-vs, les salons.. mais pas pour une journée devant un clavier, certes non.

Amator: chapeau bas et estime haute

@ Syb : Tu as mille fois raison, pour faire du sur-mesure authentique, il faut une ou plusieurs rencontres en face à face .... je suis convaincu que sans ce face à face, c'est du grand n'importe quoi ...si nous n'étions pas en 3D, ça pourrait marcher

Je ne manquerai pas de vous indiquer le passage de Mary à Paris

Portée, ça donne quelque chose comme cela avec effet de manche pour montrer le poignet napolitain (si maman me voyait )



non la cravate n'est pas celle d'un croque-mort

Tu es un homme qui va chercher le detail jusque dans la perfection possible et l'amélioration potentielle.

je vais donc me permettre deux petites questions/remarques qui viennent titiller le pinaillage:

- à la vue de cette photo et d'autres tu aimes avoir le col qui "serre" au plus pres ton cou? (j'ai pour habitude de pouvoir passer au moins un doigt). Tu trouves ton confort ou tu sacrifie à un souhait esthetique (ou encore c'est la photo qui m'enduit..)
- c'est juste un pli du à la position de ton bras, je présumme?

@Fred
le col, à un pied de col de 3,5cm, mais est très confortable car les triplures ne sont pas raides comme la justice qui scierait le cou et là bonjour la respiration ou l'irritation. Le col est construit pour paraitre relativement haut mais le montage est un peu "truqué" et permet de garder tout confort... je suis de moins en moins d'accord pour sacrifier le confort d'un vêtement ou d'un soulier à une esthétique...trop tyrannique

Quant aux plis que tu as soulignés à l'encre rouge...il ne faut pas oublier que dès qu'on bouge il se crée des tensions qui sur un tissu se traduit pas des plis...alors oui je bouge avec une chemise sur le dos ...mais il est aussi possible d'optimiser certains plis tout un programme de longue haleine pour les dix ou quinze prochaines années

amator a écrit:tout un programme de longue haleine pour les dix ou quinze prochaines années

Cela ne nous regarde probablement pas mais, tu penses arrêter avec les faiseurs parisiens chez qui tu allais jusque là?

merci des réponses détaillés à ces préoccupations qui n'en étaient pas vraiment. Il est vrai que pour le col je pensais plus au "serrage" qu'à sa hauteur, meme si le deuxième impact le premier.

vous etes bien urbain tres cher.

je me permets de te faire remarquer cependant, que je te trouves peu ambitieu de te donner 15ans pour gérer ce mouvement sans pli!

(en meme temps que le message, j'avais simulé avec la chemise qui créait un pli aussi, mais bcp plus bas, c'est la hauteur qui m'avait surprise)

LeMonarque a écrit:

amator a écrit:tout un programme de longue haleine pour les dix ou quinze prochaines années

Cela ne nous regarde probablement pas mais, tu penses arrêter avec les faiseurs parisiens chez qui tu allais jusque là?

bonne question à laquelle je n'ai pas encore définitivement répondu... d'autant que j'ai deux chemises qui attendent rue de rennes....

amator a écrit:bonne question à laquelle je n'ai pas encore définitivement répondu... d'autant que j'ai deux chemises qui attendent rue de rennes....

Mazette, il est vraiment débordé cet Amator ...

Shu

J'ai 2 questions;

1) Pourrais-tu nous offrir des photos au "garde-à-vous" de face et de dos de la chemise la plus aboutie selon toi
2) Madame Frittolini parle-t-elle français (je suppose) ?

Stripe a écrit:J'ai 2 questions;
1) Pourrais-tu nous offrir des photos au "garde-à-vous" de face et de dos de la chemise la plus aboutie selon toi

je vais y songer

Stripe a écrit:2) Madame Frittolini parle-t-elle français (je suppose) ?

oui et elle a progressé de jolie manière en quelques mois ...avec un accent que je trouve ensoleillé

Tu n'as plus d'Amator que le surnom.

Quelle élégance générale , j'adore