David Diagne, tailleur à Paris

C’est toujours un plaisir de retrouver plusieurs membres de EGP autour d’une table.

Imaginez alors celui de se trouver successivement autour de 2…

Le 12 novembre 2010, à l’initiative d’Amator, nous avons d’abord eu le plaisir de rencontrer le tailleur David Diagne dans son atelier de coupe, à 2 pas de sa boutique et du Square Louis XVI.



Le personnage est surprenant et digne d’intérêt : voici un autodidacte qui a d’abord observé sa mère, couturière, avant d’expérimenter très tôt. Comme il le dit, il a bien raté 500 pantalons avant de parvenir à un résultat convenable… Heureusement ce n'étaient que des essais pour lui, à l'heure où il n'exerçait pas pour des clients.



Mais ce n’est qu’avec son diplôme de sociologie en poche que le jeune homme a pu vivre pleinement sa passion. C’est cette passion qui l’a quand même conduit chez Lanvin, rien de moins, avant que cette vénérable maison ne soit rachetée et que les ateliers « mesure » ne disparaissent pour des raisons de politique économique.

Chez Lanvin, où exerçaient de vieux tailleurs des plus expérimentés, il a du faire sensation le jour où, David observant une technique, il a spontanément lâché un « c’est facile votre truc … ».

Forcément, quand on a fait tant d’essais et d’erreurs dans son coin, qu’on y a réfléchit des soirs et des soirs, qu’on a éliminé bien des hypothèses et compris bien des contraintes, voir enfin la bonne technique est comme une révélation qu’on intègre immédiatement …



Maintenant, à 44 ans, c’est lui qui donne des cours, forme des stagiaires. Il envisage même d’embaucher prochainement, ce qui mérite d’être souligné à une époque où il ne reste plus que 50 tailleurs indépendants en France (contre 800 en Angleterre) et que la plupart sont âgés. 50 c'est peu quand même, il faudra que je me fasse confirmer ce chiffre...

Ceux qui auront la chance d’être formés par lui apprendront énormément, j’en suis persuadé. Parce que l’homme est didactique, passionné, curieux de tout et qu’il sait communiquer.

C’est presque une leçon qu’il nous a prodiguée, sur l’art de faire un pantalon et de forcer le tissu au fer pour le pré-contraindre et suivre au mieux les formes de la jambe, au cas par cas.



S’il a un style à lui, sans padding, vêtement près du corps pour amincir, grands revers, il ne se satisfait pas de ce qu’il connaît et innove sans cesse, avec une approche de chercheur : « On connaît bien les techniques des tailleurs, maintenant, pour aller au delà, il faut approcher les limites physiques du tissu ».

Vous vous attendiez à un tel discours ? Moi pas en tout cas, pour le moins.

Mais ce n’est pas que pure intellectualisation, il y a mise en pratique. Ici une poche en V, rabat rentré. Il faut voir le rabat ressorti pour le croire, la chose est tellement complexe qu’on a l’impression d’assister à un tour de magie.



Là un manteau aux poignets ouverts et non refermés par une boutonnière, imprimant l’élégance du style épuré comme il s’agirait d’une cape, sans détail superflu qui accrocherait l’œil et diminuerait la pureté de la ligne.

Dans le même manteau, des poches extérieures aux ouvertures parfaitement verticales et naturellement cachées de profil par les manches, presque invisibles.

L’élégance est également dans le choix de doublures somptueuses, pour le seul plaisir du porteur du vêtement (ou presque…).



Finalement, quand on sait qu’un costume nécessite 80 heures de travail et que David fait tout lui même avec tant de passion, on se dit qu’il serait bien dommage de ne pas profiter du fait qu’il subsiste encore de tels artisans. J’irais même jusqu’à parler d’artiste en ce qui le concerne.

Mais je vous parlais de 2 tables…

C’est avec plaisir que nous avons poursuivi la discussion dans un endroit très typique, fréquenté notamment par ceux qui vont au spectacle dans le quartier de la Madeleine où ceux qui montent sur les planches.





L'endroit s'appelle "Au Roi du Pot-au-feu", ce qui a permis à votre serviteur de faire le plus mauvais jeu de mot de la soirée ...



Un grand merci à Amator pour cette rencontre marquante et à David Diagne pour son hospitalité et sa passion communicative.

Mon cher Chope, Tu relates très bien ce passionnant échange. Les photos sont comme d’hab (rien à ajouter juste ce qu’il faut ). Bon ben on va économiser maintenant (ça c'est pas gagné )

Merci Chope, parfait comme d'hab.
Sauf que je ne t'ai rien signé concernant mon droit à l'image

Tu souhaites te faire tailler un costume ?

Chope Man a écrit:Tu souhaites te faire tailler un costume ?

ca vaut mieux que se prendre une veste

Mandrax a écrit:Veuillez me flouter, s'il vous plaît.

J'étais là, à boire un Casa en vous écoutant discrètement, sans rien demander à personne. Cela me porte un vrai préjudice.[/size]

C'est marrant quand même, à chaque fois que quelqu'un est photographié dans un miroir comme ici, ça donne toujours une image qui râle...

(oué, chirale... si vous voulez ...ça se prononce pareil de toutes façons...)

Ceci outre le côté tout intérieur, bien entendu.

Pour répondre à Amator, si tu te souviens bien, j'étais effectivement là pour prendre les photos (de l'autre côté du miroir). L'automatisme des choses modernes à prendre des daguerréotypes ne va pas encore jusqu'à se priver d'un opérateur (faut pas que je le dise trop fort, sont capables de tout ...). D'ailleurs pour lutter contre cette tendance, je vais revenir au Leica télémetrique. Na !

Et puis revenir vers les beaux vêtements aussi, ça me tente... Surtout depuis cette visite (oui, parce que n'est-ce pas, contrairement à ce que cette plaque sensible laisserait accroire, j'avais bien une veste ce soir là ...blablabla blablabla ...)

Pour Mandrax:

Tiens je t'ai flouté ...

(C'est bien une demande de gros bonnets ça ... Enfin j'me comprends)

Ah, tiens : on avait le même haut.



(Sirine étant le seul à l'avoir remarqué, voyez comme il a l'air gêné pour Chope Woman.)

*

(Edit : on peut poubelliser nos enfantillages pour, quand même, laisser la discussion se poursuivre sur le travail de M. Diagne, hein.)

On aura bien ri mais d'avis aussi qu'on poubellise ces délires (de toutes façons, Mandrax avec la même robe, ma soirée était foutue ).

Et puis nous aurons peut-être la chance d'avoir le retour d'opinion, le feed-back en JCVD, du Monarque, de Crown ...

Jusque là, la seule chose dont je m'étais convaincu que je pouvais attendre était de faire appel à un tailleur... jusque là...

David Diagne est tout à fait sympathique et accueillant, il a même le bon goût d'être un amateur de souliers!
J'ai l'impression que sa démarche en tant que tailleur, est comme son parcours: atypique, également curieux, il est constamment à la recherche d'innovation dans les détails.
C'était passionnant de l'écouter et de l'observer, je savais par exemple que le travail au fer était très important, mais pas autant, et a fortiori sur un pantalon. Je serais bien resté une heure ou deux de plus autour de sa table, s'il n'y en avait pas une autre qui nous attendait.
Le dîner d'ailleurs fut très agréable, Chope a bien mitraillé, il a vanné, mais j'ai surtout, qu'il m'arrête si je me trompe, l'impression qu'il ne va pas tarder à retourner au 58 rue des Mathurins...

Bref, ce fut une "bonne soirée jeunes gens"*

Ps: la technique qu'il a appris chez Lanvin était le montage du col

*en l'honneur des amis de Chope Man tombés au combat.

(jalousie) et monsieur Chope pour le reportage de cette soiree entre ...

ChopeMan, tu as raison ça dérape mais que ne sacrifierions-nous pas pour un bon mot, la gaudriole voire le flirt avec la grivoiserie !

Pour revenir à nos moutons laineux...

C’est sans doute, une de mes (trop) nombreuses obsessions sartoriale (vestimentaire ferait-il trop plébéien ici !) mais le travail effectué par le tailleur (apiéceur) pour la mise sur toile m’enchante, autant que la gravure du mur de montage du bottier. Un point commun, entre les deux métiers, ce travail essentiel est méconnu, caché, enfoui comme une signature secrète.

La toile dite tailleur (en blanc sur la photo de ChopeMan), le plastron en crin (chèvre ou cheval ?), cette partie est invisible car cachée par la flanelle, laine ou feutrine terminale (noire sur la photo) plus douce pour clore le sandwich qui est le cœur de la veste. Cette construction avec la tension des fils comme on voit sur la photo les zébrures, le piquetage en chevron, puis le travail au fer donne du volume, du galbe, la 3D qui épousera, au millimètre si on le souhaite, le torse de celui qui portera la veste terminée.


David Diagne choisit une toile tailleur plutôt légère et fine pour avoir un tuteur bienveillant et non un carcan qui friserait le châtiment corporel In fine, après quasi moulage sur le buste et moult ajustement au fil des essayages, le devant de la veste devient, pour manier l’oxymore, un corset douillet.

Quelques autres détails qui bouleversent mon économie domestique : revers et crans, roulé du revers, hauteur des fentes, teinte des doublures moirées et chatoyantes…

Le tourment actuel est bel et bien le côté intemporel des costumes à l’élégance simple qui me séduit encore plus aujourd’hui ….

Superbe reportage chez quelqu'un qui m'est cher. Merci de ce partage.

Pour ceux qui n'y étaient pas, aller rendre visite à David Diagne, vous l'aurez compris cela vaut le déplacement.

Je travaille à deux pas de Madeleine, je serais bien venu, à défaut d'être bienvenu